Une belle estampe japonaise, du maître Tsuchiya Koitsu (1938)
Tsuchiya KOITSU, le Japon nostalgique
Dans le Japon impérial de l’entre-deux guerres, tiraillé entre le souvenir de sa grandeur passée et l’orgueil de sa modernité rayonnante, la tradition est un ancrage puissant pour l’identité du pays.
En 1858, la mort du maître Hiroshige sonnait comme la fin de l’ukiyo-e (mouvement artistique japonais de l’ère Edo) confirmée durant l’ère Meiji par une production d’imitation de qualité médiocre.
Mais le mouvement Shin-Hanga à laquelle appartint Koitsu dans la première moitié du XXe siècle apparut comme la renaissance vivace de la tradition, marquée par une douce nostalgie.
La production Shin-Hanga, le succès d’un exotisme internalisé ?
C’est dans le souhait de revitaliser la pratique de l’ukiyo-e, mais aussi voyant le fort attrait de cette esthétique tant au Japon qu’hors des frontières, que l’éditeur Watanabe Shozaboru (1885-1962) a réuni autour de lui des graveurs tels que Yoshida Hiroshi (1876-1951) ou Kawase Hasui (1883-1957).
Tsuchiya Koitsu fit sa rencontre en 1931, lors d’une exposition anniversaire de la mort de son maître Kobayashi Kiyochika (1847-1915). C’est pour lui qu’il se mit à l’estampe de paysage dans le style shin-hanga, bien que par la suite il collabora avec divers éditeurs.
Le mouvement Shin-hanga, « nouvelle estampe » a été opposé au Sosaku-hanga, « estampe de création », influencé par les techniques et la réflexion de l’art occidental du début du XXe siècle, qui se défit des attributs esthétiques « proprement japonais ».
Cette confrontation se retrouvait jusque dans le processus de création : les représentants de l’estampe de création revendiquaient un travail réalisé par l’artiste de bout en bout (« jiga jijaku jisha »). Au contraire, les porteurs de la tradition maintinrent la division stricte entre eshi (artiste dessinateur), horishi (graveur) et surishi (imprimeur), une relation dynamique permettant selon eux d’obtenir le meilleur de chaque étape essentielle à la création d’une estampe.
Un imaginaire traditionnel et hors du temps
En 1938, date de cette estampe, le Japon est en guerre contre la Chine. Si les artistes du Shin-hanga évoquent peu d’atmosphères violentes, les meisho-e, représentation de lieux célèbres, sont aussi atypiques dans leur production, leur préférant des scènes et paysages anonymes.
Nous sommes avec cette œuvre à un point de jonction de l’imaginaire populaire et du sentiment nationaliste.
Le temple Senso-Ji, dans le quartier d’Asakusa, est le plus vieux de Tokyo, datant du VIIe siècle. Symbole générique pour un œil étranger, c’est un rappel fort des racines culturelles et cultuelles pour l’averti.
En arrière-plan, on reconnaît le toit double du Hozomon, porte de la maison du trésor, et au loin dans la brume, une pagode. C’est une vue extrêmement similaire, mais inversée, que l’on retrouve parmi les Cent vues d’Edo d’Ando Hiroshige.
Koitsu nous plonge dans une réinvention du Japon de l’ère Edo, refusant tout élément contemporain qui viendrait perturber cette vision paisible et mélancolique, plaisante mais énigmatique.
La synthèse d’une certaine esthétique japonaise
L’auteur Jun’ichiro Tanizaki (1886-1965) voyait dans l’obscurité et le silence les éléments essentiels de l’esthétique japonaise. La parfaite maîtrise des gris de ce soir d’hiver, l’isolement de la figure féminine anonyme qui s’éloigne, cette neige qui se dépose sans bruit, en sont autant de confirmations.
Mais rien ne nous inquiète dans cette vision onirique. La nature éphémère n’entre pas en conflit avec l’homme mais fait ressortir l’éternité de ses architectures : au travers du temps cyclique survit le passé japonais. La saturation des couleurs, particulièrement celle de la lanterne rouge, apporte une stabilité, comme la proximité du Hozomon indique qu’il n’y a pas à s’inquiéter pour la femme marchant sous la neige.
La beauté participe d’un discours non seulement esthétique mais aussi politique voire spirituel. Le regard poétique de l’artiste permet de révéler, dans le Japon contemporain, les éléments de traditions
encore présents mais cachés, l’appel à un retour à la vie simple et à une spiritualité fondée dans la contemplation. Loin de se satisfaire du succès des ukiyo-e de l’ère Edo, Koitsu anime la tradition d’un lyrisme nouveau. L’artiste dépasse les nombreuses critiques qui ont pu être faites à l’égard du shin-hanga, portant chaque regardeur dans une atmosphère de complétude, un équilibre des sens et de l’esprit.
Détails de l’oeuvre
Artiste : Koitsu, Tsuchiya (1870-1949) – ⼟土屋光逸
Titre : A Winter Day at the Temple Asakusa – 浅草観世⾳音
Date : Décembre 1938
Technique : Gravure sur bois en couleur
Conditions : Bonne condition générale
Format : Oban – ⼤大判, 36,3 x 23,9 cm (image)
Prix : 750 EUR
Notre avis
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