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L’entreprise mécène : stratégies et exemples

Mécénat d'entreprise - Conseils fiscaux

[Fiscal]

Par Me Ophélie Dantil, avocat

L’entreprise mécène : quelle stratégie ?

Autrefois considéré comme « la danseuse du président », l’art en entreprise est désormais un « investissement » à privilégier pour les entreprises soucieuses de leur contribution à l’intérêt général. Conscient de cette (r)évolution : intérêt personnel vers intérêt collectif, le législateur fiscal aide les entreprises à structurer leurs actions de soutien.

1. La location d’œuvres d’art

Il n’existe pas de dispositif fiscal spécifique à la location d’œuvre d’art. il s’agit d’appliquer les règles fiscales applicables en matière de charge déductible.

Seules les dépenses réalisées dans l’intérêt de l’entreprise sont déductibles du résultat imposable.

Lorsqu’une entreprise loue des œuvres d’art, les loyers supportés sont la contrepartie de la jouissance d’un bien meuble. Ils sont déductibles dans les conditions de droit commun. L’opération de location doit être réalisée dans l’intérêt de l’entreprise : décoration de locaux professionnels, outil de communication auprès de ses salariés (par exemple intervention dans le choix des œuvres) et de sa clientèle (renouvellement régulier de la collection, vernissage, conférence avec l’artiste…) Le montant des versements effectués doit être considéré comme normal (ne pas présenter un caractère excessif eu égard la valeur locative du bien) et être justifié.

La location d’œuvres d’art peut constituer un premier pas vers une stratégie de mécénat artistique plus pérenne.

2. Achat d’œuvres originales d’artistes vivants

Les sociétés soumises de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés, et les entreprises individuelles soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC – Bénéfices Industriels et Commerciaux, qui achètent des œuvres originales[1] d’artistes vivants pour les exposer au public, peuvent bénéficient d’une déduction spéciale[2].

Pour en bénéficier, l’entreprise doit exposer l’œuvre d’art, pendant 5 ans (soit la période correspondant à l’exercice d’acquisition et aux 4 années suivantes) :

L’exposition doit être permanente (pendant les 5 années requises et même au-delà) et non réalisée à l’occasion de manifestations ponctuelles (exposition temporaire, festival saisonnier, etc.)

L’œuvre doit être inscrite à un compte d’actif immobilisé. Le montant déduit annuellement doit être déduit extra-comptablement sur l’imprimé 2058-A du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes ligne XG « déductions diverses » et figurer sur la déclaration 2069-M-SD (imprimé pour la réduction d’impôt mécénat). Chaque année, le montant de la déduction ne peut dépasser 5 pour mille du chiffre d’affaires réalisé, l’excédent ne pouvant être reporté au titre des exercices ultérieurs.

Le montant de la déduction doit être inscrit dans un compte de réserve spéciale au passif du bilan. Cette obligation comptable exclut les titulaires de BNC[3] car sur le plan juridique ils n’ont pas la faculté de créer au passif de leur bilan un tel compte.

En cas de changement d’affectation (notamment lorsque l’œuvre n’est plus exposée au public), de cession de l’œuvre ou de prélèvement sur le compte de réserve, pendant ou après les cinq ans du bénéfice de la déduction, le montant de déduction dont l’entreprise a bénéficié est réintégré au résultat imposable.

L’entreprise peut constituer une provision pour dépréciation, lorsque la dépréciation de l’œuvre excède le montant des déductions déjà opérées.

Exemple

Il s’agit donc d’un investissement sur le long terme dont l’objectif est le soutien à la création artistique contemporaine. Beaucoup d’entreprises ont conscience que cet achat est un outil fort en termes de communication interne (vis-à-vis des collaborateurs) et externe (valeurs de l’entreprise auprès du public).

3. Don à des organismes d’intérêt général ayant un caractère culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique

Ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite d’un plafond unique de 0,5% du chiffre d’affaires hors taxes, effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général[6].

Le don n’étant pas une charge déductible du résultat imposable, il doit être réintégré extra-comptablement sur l’imprimé 2058 A.

Parmi ces organismes bénéficiaires qui doivent être à gestion désintéressée et à vocation d’intérêt général, certains sont spécifiquement dédiés à l’art :

Contrairement à l’achat d’œuvres d’art, lorsqu’au titre d’un exercice le don excède le plafond de 5 p. mille, l’excédent est reporté successivement sur les cinq exercices suivants et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions, après prise en compte des versements de l’exercice d’imputation.

Exemple (sur la base des mêmes éléments que l’exemple précédent) :

4. La constitution d’un fonds de dotation

De plus en plus d’entreprises réfléchissent au sens de leur métier afin d’en extraire des thèmes universels et de faire de leur mécénat un enjeu stratégique de communication et de cohésion interne et externe.

À ce titre, une société peut constituer son propre organisme d’intérêt général avec des missions qui reflètent les valeurs de l’entreprise, son inscription politique, économique, écologique dans le territoire.

Beaucoup de grandes entreprises ont initié le mouvement en créant leur fondation, mais cette stratégie peut être étendue aux PME via la constitution d’un fonds de dotation dont les règles de création et de fonctionnement sont plus souples que celles de la fondation.

Le fonds de dotation est un outil innovant de financement du mécénat qui combine les atouts de l’association loi de 1901 et de la fondation, sans leurs inconvénients. Doté de la personnalité juridique, il est constitué d’une allocation irrévocable[10] de biens pour la réalisation d’une mission ou d’une œuvre d’intérêt général. Il  collecte des fonds d’origine privé, qu’il peut soit constituer en dotation dont il utilise les fruits, soit consommer pour accomplir sa mission. Il peut mener lui-même cette mission, ou financer un autre organisme d’intérêt général  pour son accomplissement.

On peut imaginer qu’une société crée son propre fonds de dotation avec pour objet d’assurer la conservation et la diffusion au public de sa collection d’œuvres d’art. Le fonds peut amplifier ses actions de mécénat et de soutien à d’autres domaines d’action tel que par exemple : l’accès pour tous à la culture et la création artistique, l’insertion professionnelle…

Le fonds de dotation va alors collecter les fonds nécessaires à son action, financer ou commander des œuvres d’art, initier, organiser ou soutenir toutes manifestations (expositions, colloques, résidences d’artiste…), mener des actions en faveur de mission d’intérêt général…

Exemple (sur la base des mêmes éléments que l’exemple précédent)

[1] Les productions artisanales ou de série ne constituent pas des œuvres originales
[2] Article 238 bis AB du CGI
[3] Rép. Foulon : AN 10-3-2015 p. 1719 n° 36875 ; BOI-BIC-CHG-70-10 n° 1 BF 5/15 inf. 412
[4] 2 000 000 € x 0.5% = 10 000 €
[5] 10 000 € par an x impôt théorique de 33.33 %
[6] Article 238 bis du CGI
[7] 50 000 € x 60 %
[8] Par exemple la société avait des déficits antérieurs reportables
[9] Une contrepartie est possible si celle-ci ne dépasse pas 25 % du montant du don
[10] Minimum 15 000 euros


Me Ophélie DANTIL 
Avocat associé, droit fiscal et droit du marché de l’art

Illustration : ©Adobe Stock

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