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Qu’est-ce qu’une oeuvre d’art ?

[Juridique]

Par Me Ophélie Dantil, avocat

À l’heure du street art, de l’art conceptuel et de l’œuvre d’art éphémère, la notion d’œuvre d’art devient de plus en plus difficile à cerner, notamment juridiquement.

L’oeuvre en temps réel de Fred Forest, pionnier de l’art vidéo, vendue aux enchères en 2015

Dans le code civil

D’un point de vue juridique, cette notion n’est pas définie de façon autonome dans le code civil, puisqu’il s’agit soit d’un bien meuble (article 527 du code civil), soit d’un immeuble (article 528 du code civil). Cette absence de définition précise est bien entendu source de nombreux contentieux.

Un autre article du code civil (article 534 alinéas 1er et 2) distingue quant à lui deux catégories d’œuvres d’art : celles qui sont considérées comme des meubles dont le seul usage est de meubler ou de décorer des appartements – tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature, ce qui inclut les tableaux et les statues – et celles qui sont exposées dans des galeries ou pièces particulières, qui sont alors qualifiées par le code civil de « collection ».

Une telle subtilité n’est pas dénuée de tout intérêt d’un point de vue patrimonial et fiscal par rapport à l’évaluation de ces biens lors de successions.

En effet, l’article 764 du code général des impôts  détermine le mode d’évaluation fiscale du mobilier corporel et distingue le mobilier meublant des œuvres d’art.

Le mobilier meublant s’évalue prioritairement par la vente publique intervenue dans les deux ans du décès, à défaut par l’inventaire notarié, à défaut sa valeur ne peut être inférieure à 5 % de l’actif brut de la succession. Les œuvres d’art quant à elles s’évaluent prioritairement par la vente publique intervenue dans les deux ans du décès, à défaut par la valeur d’assurance contre le vol ou l’incendie, à défaut par la déclaration des parties.

Ainsi, dans une affaire où des héritiers avaient omis de déclarer un tableau de Serge Poliakoff accroché au mur du salon de leur défunt père, la Cour de cassation dans un arrêt du 17 octobre 1995 a considéré qu’à défaut pour l’administration fiscale – qui souhaitait bien évidemment redresser les « étourdis » – d’apporter la preuve de la localisation de l’œuvre, le tableau litigieux devait être considéré comme un meuble meublant, sa valeur devant donc être incluse dans le forfait de 5 %. C’est ainsi que dans ce cas particulier, les héritiers ont pu échapper au rattrapage fiscal. Mais, depuis, l’administration fiscale a eu l’occasion d’affirmer dans sa doctrine que si l’administration fiscale apporte la preuve que la valeur des meubles meublants y compris les tableaux dépassent le chiffre du forfait de 5 %, elle pourra écarter ce forfait.

En 2011, la notion de collection a été définie par le code du patrimoine en son article R 111-33 comme « un ensemble d’objets, d’œuvres et de documents dont les différents éléments ne peuvent être dissociés sans porter atteinte à sa cohérence et dont la valeur est supérieure à la somme des valeurs individuelles des éléments qui le composent ».

Dans le code de la propriété intellectuelle

Le code de la propriété intellectuelle quant à lui privilégie la protection de l’œuvre de l’esprit plutôt que l’œuvre d’art en accordant à son auteur des droits moraux et pécuniaires (article L 111-1 s du code de la propriété intellectuelle).

Dans le code général des impôts

Au final, et on peut déjà en comprendre les raisons, c’est le code général des impôts qui, sans vraiment définir la notion d’œuvre d’art, donne une énumération des « catégories de biens susceptibles d’être qualifiés d’œuvres d’art » (article 98 A de l’annexe III du CGI).

Attention, d’un point de vue fiscal, la notion d’œuvre d’art est liée à celle d’objet d’antiquité (« objet d’art et d’antiquité ») mais se distingue des objets de collection et des bijoux et assimilés (BOI-RPPM-PVBMC-20-10 paragraphe 40 -1er avril 2014).

Il ne s’agit pas d’un sujet théorique et dénué de tout intérêt pratique, bien au contraire.

Dès lors que le marché de l’art dépend des entrées et sorties desdits biens, qui sont consécutives notamment à des déménagements, décès, divorce, partages, difficultés financières, vols, mécénat, intérêts financiers… entrent forcément en jeu des droits et des obligations qui doivent s’accorder entrent eux : ceux des artistes, des collectionneurs, des États, des professionnels du marché. Le sujet n’est donc en rien figé.

D’un point de vue purement fiscal et patrimonial, les objets d’art, bijoux, de collection et d’antiquité bénéficient de régimes spécifiques plutôt avantageux : exonération d’impôt pour les biens cédés pour une valeur inférieure à 5 000 €, exonération des cessions au profit d’institutions culturelles, taxe forfaitaire sur les cessions au taux de 6,5 % (intéressant lorsque le prix d’acquisition n’est pas connu) ou calcul de la plus value avec une exonération au terme de 22 ans de détention, exonération d’impôt sur la fortune, nombreuses possibilités d’optimisation dans le cadre de donations et de succession, réduction d’impôt au niveau des entreprises mécènes…


Me Ophélie DANTIL 
Avocat associé, droit fiscal et droit du marché de l’art

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