Jean-Baptiste Costa de Beauregard, collectionneur… et instagrammeur
Nous avons rencontré Jean-Baptiste lors du salon Art Paris Art Fair 2017. Ce jeune collectionneur, qui a choisi de « raconter » sa collection sur Instagram, nous explique sa démarche et sa volonté de démontrer qu’acheter de l’art peut s’inscrire dans une vie normale.
Pourquoi collectionnez-vous de l’art contemporain ? Comment s’est constituée votre collection ? Pourquoi la partager sur Internet ?
Je dirais que c’est une passion personnelle que j’ai depuis assez longtemps, et que j’ai tout de suite partagée avec celle qui est devenue mon épouse, puisqu’on collectionne vraiment à deux. On collectionne activement depuis notre mariage, cela va bientôt faire 7 ans, et toutes les œuvres qu’on a achetées ont été conservées.
Puisque c’est important de partager nos œuvres avec notre entourage – et avec un peu plus que notre entourage – et aussi d’interpeller sur les raisons pour lesquelles les gens de notre génération n’achètent pas plus d’oeuvres d’art, on a imaginé ce moyen, en montrant les images de nos œuvres – ce qui est l’utilité principale d’Instagram – mais en rajoutant quelque chose qui est un peu à l’opposé du modèle Instagram, un long texte en dessous de chaque image pour raconter l’acquisition.
Cela permet d’interagir avec les galeries ou les artistes chez qui on les a achetées – certains répondent, rajoutent un commentaire, remercient, ce qui est sympa – et puis, parmi les gens qui suivent le compte, on découvre des personnes qu’on ne connaissait pas et qui posent des questions ; on va voir leur compte et on découvre d’autres choses.
J’ai quelques amis qui n’étaient pas venus chez moi et ont découvert tous ces objets sur Instagram ; ils découvrent qu’on achète des objets qui représentent des sommes non négligeables et du coup se demandent pourquoi eux ne le feraient pas.
C’est aussi une raison de publier les objets un par un sur Instagram : les gens se disent que cela n’a pas l’air si compliqué que ça d’acheter des objets d’art ; ce n’est pas quelque chose réservé à une élite, à des gens très riches, c’est quelque chose qui peut s’inscrire dans une vie normale, qui est accessible pour peu qu’on ait envie de le faire.
C’est donc une manière de faire réagir notre entourage pour qu’il se pose la question : « pourquoi moi je le ferais pas ? »
Qu’est-ce qui vous attire d’abord vers une œuvre ? Plaisir ? Émotion ? Spéculation ?
Pas du tout la spéculation, ça c’est sûr, notamment parce qu’on ne se place pas dans un marché suffisamment haut, dans des valeurs suffisamment hautes pour que cela puisse être le cas, et parce que ce n’est pas quelque chose dans lequel on croit spécialement, le fait de gagner de l’argent sur des œuvres d’art.
C’est vraiment purement du plaisir : l’esthétique des objets, la découverte, l’émotion qu’on a avec ces objets, la recherche du beau, c’est quelque chose qui est assez commun à tous les objets de notre collection, des objets qui sont beaux, qui sont visuellement, esthétiquement jolis, appréciables. C’est assez traditionnel comme approche de l’art, on en est conscients.
Nous n’achetons, en tout cas pour l’instant, que des objets qu’on est en capacité d’exposer chez nous, même si la limite a malheureusement déjà été atteinte. On a une ou deux œuvres qui ne sont pas encore chez nous et on ne sait pas où on va les mettre. C’est une espèce de jeu, à chaque nouvelle œuvre qui arrive, de re-mélanger un peu ce qui est dans l’appartement.
Mais en tous cas c’est important pour nous que les objets qu’on achète soient autour de nous ; qu’on vivent avec eux au quotidien, qu’ils s’interpellent entre eux, qu’éventuellement on fasse bouger cela quand un nouvel objet arrive, ou même sans qu’un nouvel objet arrive, pour redynamiser les choses.
La volonté d’acheter des objets, c’est de pouvoir en être entourés au quotidien parce qu’ils sont beaux, parce qu’ils nous font réfléchir, parce qu’ils nous font méditer ; c’est vraiment important dans notre démarche, c’est en tout cas une motivation.
Et la dernière c’est de participer à la création. Pour les artistes, que les gens viennent voir leurs expos est une bonne chose, mais ce qui les fait vivre c’est de vendre des œuvres d’art. Même si on n’achète pas que des œuvres auprès d’artistes ou de galeries du premier marché, on achète beaucoup pour faire vivre des artistes, en faisant sortir l’objet de leur atelier et en permettant d’écouler un stock. Il y a vraiment des artistes qu’on a vu, notamment un en particulier, quand il nous a montré tous ses tableaux, il nous disait que maintenant qu’il les avait peints il voulait les vendre et que cela circule.
Et pour que ce soit possible il faut que les gens les achètent.
Comment recherchez-vous vos artistes : sur Internet ? En galerie ? Avez-vous déjà acheté des œuvres en ligne ?
Je ne sais pas s’il y a une source privilégiée, il y a un peu tout, il y a un peu d’Instagram, un peu de LinkedIn – qui devient une sorte d’aggrégateur de contenus où les gens qu’on suit postent des choses qu’on regarde. Il y a même des artistes maintenant, assez actifs sur LinkedIn, qui postent des œuvres tous les jours, y compris certains artistes reconnus, ce qui peut être assez amusant.
Il y a aussi les newsletters de galeries : quand on met son nom dans le cahier d’une galerie à une foire, on reçoit ses newsletters. Et pour la plupart je ne m’en suis jamais désabonné. Je ne dirais pas que je les ouvre toutes mais c’est le jeu visuel d’une newsletter, il y a une image qui nous attire, du coup on a envie de creuser un peu plus et ça peut mener à une découverte.
La presse aussi : nous avons par exemple découvert un des artistes qu’on collectionne dans un article que ma mère nous a passé ; on est allés le rencontrer et on lui a acheté deux œuvres.
Il y a vraiment un peu de tout, à la fois du média online mais aussi des discussions, des choses qu’on découvre, dans la presse…
Instagram, de par la manière dont ça fonctionne, est un merveilleux moyen de découvrir des images, que ce soit des photos de lieux, des artistes, des photos d’ateliers… C’est vrai que pour cela c’est assez extraordinaire, donnant aussi accès à des images que ces mêmes personnes ou institutions ne publiaient pas avant. Typiquement, le montage d’une expo, un intérieur, un artiste en train de créer son œuvre dont on ne verrait jamais la photo à part sur Instagram et qui du coup n’a pas l’air officielle, ça c’est vraiment génial.
Après c’est le problème inverse : il y a du coup une abondance monstrueuse d’images ; il faut réussir à faire son tri, accepter de voir des choses qu’on aime pas, de passer à côté de choses aussi parce qu’un fil Instagram permet de voir une image par une image.
Nous n’avons pas eu de mauvaise expérience pour l’instant. Si on relit les achats qu’on a fait auprès d’artistes, de galeries, en ligne parfois ou aux enchères, c’est à chaque fois des expériences assez différentes mais qui ont permis soit de rencontrer l’artiste, soit de rencontrer le galeriste qui nous a transmis une passion assez géniale à travers l’objet, soit lorsque c’était aux enchères, de vivre l’excitation des enchères, notamment lorsque le marteau tombe, ce qui est assez amusant.
Quelle expérience tirez-vous de votre collection ? Quels conseils donneriez-vous à un nouveau collectionneur ? Y a-t-il des pièges à éviter ?
Je pense que la manière de l’approcher, en tout cas notre manière de l’approcher, qui est la seule que je peux raconter et recommander, c’est de voir des œuvres, sans a priori, de se laisser attirer par ce qu’on aime – je pense qu’il ne faut surtout pas se forcer à trouver des choses bien ou essayer de comprendre quelque chose qui nous paraît incompréhensible ou qui nous paraît fumeux – il faut vraiment se laisser attirer par des choses qui nous interpellent et nous plaisent.
Il ne faut, à mon avis, surtout pas essayer de faire des coups, c’est-à-dire acheter une œuvre en se disant qu’elle va monter et que dans 5 ans on pourra la revendre et faire un carton, je pense que c’est une énorme bêtise, sauf quand on est un professionnel du marché qui est capable de faire cela, mais c’est une autre démarche. Il faut vraiment acheter avec le coup de cœur qu’on peut avoir, avec le plaisir esthétique de l’objet.
Une autre dimension importante sur le côté financier, il ne faut pas non plus se mettre en risque en dépensant une somme folle dans une œuvre d’art qui paraît incroyable en se disant qu’elle va monter. Il vaut mieux acheter pour des petits montant par rapport à son revenu ou son patrimoine, mais des choses qui nous plaisent et qui ne nous inquiètent pas du point de vue de l’investissement qu’on y fait par exemple.
Propos recueillis le 31 mars 2017 au Grand Palais à Paris.
Suivez Jean-Baptiste sur Instagram : @jb_cos
Merci de votre démarche. Elle est saine, durable et encourageante.
Les œuvres d’art que j’ai achetées en tant que simple amateur me procurent chaque jour lorsque je les vois, un bonheur renouvelé, une découverte supplémentaire de détails. Elles font naître un sourire et une plénitude car l’achat en a été fait parce qu’elles nous plaisaient et rien d’autre. Le prix en a d’ailleurs été oublié dès les premiers jours.
Certains de mes acheteurs m’ont dit éprouver la même chose avec les quelques sculptures vendues et je suis sincèrement très reconnaissant de cette convergence.
Je suis un peintre et on a besoin de votre achat & support, bravo!
C'est comme ça qu'il faut faire
C’est bien c’est comme ça qu’il faut faire ; c’est ainsi que l’art rend heureux. Je suis collectionneur depuis 40 ans : un itinéraire, un oeil qui s’aiguise et toujours de la passion !
Félicitations, achetez sur un coup de coeur c’est la bonne approche, rencontrer aussi les artistes quand c’est possible.
Très bonne remarque Patrick. L’important c’est de se faire plaisir, et un plaisir en entraîne un autre.