[Conseils]
Par Nellie JEANNIN, co-fondatrice de Seezart
En l’espace de quelques années, le terme de blockchain s’est répandu comme une trainée de poudre et attire toute l’attention de l’écosystème startup, financier et tech.
Cette technologie pourrait bien résoudre nos problèmes de confiance, sécuriser nos process et simplifier nos échanges quotidiens.
Mais de quoi s’agit-il exactement ? Quels sont les champs d’application de la blockchain dans la vie réelle, en quoi cette techno est-elle pertinente pour le marché de l’art et quelles questions soulève-t-elle ?
Voici quelques clés pour mieux cerner la blockchain et son intérêt vis à vis du marché de l’art.
La blockchain : une technologie de stockage et de transmission de l’information
La blockchain ou littéralement « chaîne de blocs » est un protocole de gestion de données numériques.
Elle permet non seulement de stocker des données – comme d’autres avant elles : la carte perforée, la bande magnétique ou le disque dur – mais aussi de gérer leur encryptage et leur retransmission.
Pour faire simple, c’est une grosse base de données qui a pour spécificité d’être publique, sécurisée et distribuée entre ses différents utilisateurs.
Autre particularité, la blockchain contient en elle l’ensemble des échanges effectués entre ses utilisateurs.
Elle est particulièrement robuste aux attaques extérieures. Pourquoi ? Parce-ce qu’elle fonctionne sans intermédiaire ni organe de contrôle, mais sur la présence de « mineurs » constitués en réseau, dont la mission consiste à vérifier la validité des transactions bloc par bloc. On dit qu’elle est infalsifiable, inviolable et transparente car reposant simultanément sur différents ordinateurs, les « nœuds » du réseau ; de quoi éviter que la blockchain puisse être hackée.
« Il faut s’imaginer un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible » décrit le mathématicien Jean-Paul Delahaye.
Une technologie inviolable basée sur le principe de distribution
Je vous passe les détails techniques – hash, système de chiffrement, clé publique ou clé privée – nombre de sites de référence vous décriront ces questions mieux que moi ici, ici ou encore là.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un « hash » est une information encryptée de façon irréversible, mais qui ne révèle pas son contenu : impossible de reconstituer la donnée initiale à partir de cette information. On est en présence d’un système capable de tout « mémoriser » et de conserver ces données dans un langage totalement sécurisé : tout ce que l’on attendrait sur le marché de l’art…
La blockchain : quelles applications #IRL ?
Après une approche principalement technologique et monétaire (la monnaie virtuelle Bitcoin est apparue en 2009 en même temps que la blockchain qui lui a donné naissance), on assiste à un mouvement sans précédent de réflexion sur ses modes d’application aux problèmes de la vie pratique.
Ses champs d’exploitation sont immenses et concernent potentiellement tous les domaines ayant traditionnellement recours à des tiers de confiance. Je pense aux banques, aux assurances, à l’immobilier mais aussi à la santé, l’énergie, les transports et même à la démocratie.
Prenons l’exemple des élections. De nombreuse solutions sont actuellement développées pour venir sécuriser les initiatives de vote en ligne via la blockchain, et réduire les coûts pharaoniques liés à l’organisation d’une élection. Infalsifiable on vous dit 🙂
Autre exemple étonnant dans le secteur de la mobilité, la startup La’Zooz qui s’est piquée d’utiliser la blockchain pour mettre en relation l’offre et la demande de sièges vides et de personnes ayant besoin de transports, « en temps réel, et moyennant un tarif équitable » facturé en… Zooz, leur monnaie virtuelle.
Enfin face à la recrudescence des faux diplômes et des CV truqués, le secteur des RH n’a pas tardé à s’emparer lui aussi de la révolution blockchain ! Bien sûr c’est une école informatique de San Francisco, la Holberton School, qui a joué les premières de la classe en étant la première à certifier ses diplômes via la blockchain. La startup française Bitproof, de notre confrère Louison Dumont, s’est aussi positionnée sur ce créneau.
L’idée derrière tout ça, c’est qu’il sera beaucoup plus difficile de mentir, frauder ou de bourrer les urnes demain, avec la blockchain. Un tricheur serait instantanément identifié et confondu.
Dans le domaine artistique, la blockchain pourrait tout simplement rétablir la confiance sur le marché de l’art en permettant de retracer de façon transparente et irréfutable le parcours d’une œuvre.
Imaginez tous les catalogues de ventes privées, de successions de collectionneurs, ou de ventes aux enchères, réunis en un seul et même catalogue digital.
Prenons un exemple. Aujourd’hui, rien de plus simple que de se procurer une oeuvre d’un artiste coté… Vous pouvez acheter en quelques clics un Ai Weiwei sur eBay ou Taobao, son équivalent chinois : lancez une recherche pour « Sunflowers Seeds » et vous trouverez des dizaines de résultats sur ces sites de vente en ligne généralistes ; des lots de graines de tournesols en porcelaine peintes à la main à des prix allant de 6,99$ à 499$.
Proviennent-ils tous de l’installation « Kui Hua Zi » réalisée par l’artiste à la Tate Gallery en 2010 ? Bien sûr que non, mais je vous mets au défi de trouver une personne capable de vous dire quelle graine est « vraie » et quelle graine est « fausse ».
Achat d’art en ligne : accessibilité et fiabilité ne vont pas toujours de pair
C’est un cas un peu extrême, mais il a la force de l’exemple. Si demain la création, la vente, ou l’exposition de chaque oeuvre étaient actées dans la blockchain, le doute ne serait plus possible.
La méfiance ne viendrait plus parasiter l’émotion et laisserait la place à l’essentiel : le rapport à l’oeuvre.
« Rien ne peut faire que nous ne soyons lésés chaque fois que nous nous trouvons en présence d’une contrefaçon. Même si l’abus de confiance ne dure qu’une seconde, il y a eu préjudice porté à l’innocence » André BRETON
Les réponses apportées par la blockchain aux questions de confiance et de transparence sont aujourd’hui bien concrètes.
Notre plus grande mission en tant qu’acteurs de cette transformation sera de fédérer les autorités, les acteurs de l’économie et les utilisateurs finaux autour d’elle, pour la développer et faire oublier sa technicité apparente.
Car le déploiement d’un système efficace prend du temps. Et parce que toute bonne technologie doit savoir se faire oublier au profit de l’usage. Voilà un chantier enthousiasmant dans lequel les artistes joueront peut-être un rôle pionnier !
Nellie JEANNIN
Cofondatrice de Seezart
Seezart est une startup française au carrefour de l’art et du digital. Elle emploie l’une des technologies les plus sûres à ce jour, la blockchain, et protège l’ADN des oeuvres d’art en gravant chaque étape de leur parcours dans des certificats d’authenticité uniques, infalsifiables et digitaux.
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