[Fiscal]

Par Me Ophélie Dantil, avocat

Artistes, maîtrisez votre TVA !

J’ai bien conscience que le sujet peut faire l’objet d’un rejet, mais d’expérience, lorsque j’accompagne des artistes sur la voie de la fiscalité – ce qui est un signe de réussite pour eux ! – je recherche avant tout à les rendre autonomes et maîtres de ses impacts, car bien gérés ils ne nuisent en rien à leur activité créatrice.

En tant qu’artiste, lorsque vous vendez vos oeuvres, vous réalisez une activité économique et à ce titre devenez assujettis à la TVA.

Quelque soit votre client – particulier, entreprise ou galerie – vous devez ajouter au prix de vente de l’oeuvre (dit hors taxe) la TVA au taux de 5,5 %. Vous collectez cette TVA que vous reversez le mois suivant au Trésor public (via l’imprimé spécifique CA3). En contrepartie vous pouvez déduire la TVA que vous avez payée sur vos propres achats (matières premières, équipements) ou charges d’exploitation (loyer, électricité, téléphonie…), sous réserve bien entendu que ces dépenses participent à votre activité professionnelle.

En conséquence et dans la mesure où la TVA due correspond à la différence entre la TVA collectée au taux de 5,5% et la TVA déductible généralement au taux de 20%, la charge fiscale pour l’artiste se trouve désormais allégée !

Vous pouvez néanmoins bénéficier du régime de la franchise en base prévue à l’article 293 B du code général des impôts, dès lors que les recettes que vous réalisez sont inférieures à certains seuils. Cette franchise en base vous dispense de facturer la TVA sur les opérations que vous réalisez. En contrepartie vous ne pouvez pas déduire la TVA que vous supportez sur vos achats professionnels.

Deux types de franchises

Il existe deux type de franchises, selon la nature de l’opération :

Pour les livraisons d’oeuvres et cessions de droits patrimoniaux

Cette franchise est prévue par l’article 293 B III-2è du CGI et s’applique aux auteurs pour leurs livraisons de leurs oeuvres désignées au 1° à 12° de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle et la cession de leurs droits patrimoniaux (droits de reproduction et de représentation…)

Tant que le chiffre d’affaires réalisé (correspondant à la vente des oeuvres ci-avant désignées et la cession des droits patrimoniaux) au titre d’une année N ne dépasse pas le seuil de 42 600 €, vous bénéficiez de la franchise de TVA.

Si au titre de l’année N+1, le chiffre d’affaires dépasse les 42 600 € mais reste inférieur à 52 400 €, vous devenez redevable de la TVA à compter du 1er janvier N+2.

Si au titre de l’année N+1, le chiffre d’affaires devient supérieur à 52 400 € vous devenez redevable de la TVA dès le 1er jour du mois du dépassement.

Si au titre de l’année N+2, le chiffre d’affaires redevient inférieur à 42 600 €, vous pouvez bénéficier de nouveau de la franchise mais à compter seulement du 1er janvier N+3.

Pour les prestations de conseil, de publicité et les ventes de biens qui n’ont pas les caractéristiques des oeuvres de l’esprit

Il existe une autre franchise prévue par l’article 293 B IV du CGI. Vous pouvez bénéficier de la franchise de TVA pour vos opérations autres que les livraisons de vos oeuvres et les cessions de droits susceptibles de bénéficier de la franchise exposée ci-avant. Il s’agit notamment des prestations de conseil, de publicité, les ventes de biens qui ne présentent pas les caractéristiques d’une oeuvre de l’esprit.

Tant que le chiffre d’affaires réalisé (correspondant à ces opérations de conseil, publicité…) au titre d’une année N ne dépasse pas le seuil 17 100 €, vous bénéficiez de la franchise de TVA sur ces opérations de type prestations de conseil, de publicité…

Si au titre de l’année N+1, le chiffre d’affaires dépasse les 17 100 € mais reste inférieur à 21 100 €, vous devenez redevable de la TVA à compter du 1er janvier N+2.

Si au titre de l’année N+1, votre chiffre d’affaires devient supérieur à 21 100 €, vous devenez redevable de la TVA dès le 1er jour du mois du dépassement.

Si au titre de l’année N+2, votre chiffre d’affaires redevient inférieur à 17 500 €, vous pourrez bénéficier de nouveau de la franchise mais à compter seulement du 1er janvier N+3.

Attention, le dépassement de la limite des 42 600 € ou 52 400 € (pour les cessions d’oeuvres et de droits patrimoniaux) fait perdre automatiquement le bénéfice de la franchise de l’article 293 B IV du CGI pour vos opérations autres que les livraisons de vos oeuvres et les cessions de droit (limite de 17 500 €).

Je précise que même si vous bénéficiez de la franchise, vous pouvez opter pour la TVA pour une période de 2 ans, renouvelable par tacite reconduction. L’option prend effet au 1er jour du mois au cours duquel elle est déclarée et la dénonciation dans les 30 jours de l’échéance de l’option précédente.

Lorsque vous bénéficiez de la franchise vous devez délivrer une facture à votre client avec la mention « TVA non applicable – article 293 B du CGI ».

Votre assujettissement ou non à la TVA va être déterminant pour la galerie qui va acheter vos oeuvres en vue de les revendre : se posera alors pour elle la question de soumettre ou non sa revente au régime de la marge.

Faire un suivi mensuel de ses ventes

J’invite les artistes à faire un suivi mensuel du montant de leurs ventes pour anticiper leur assujettissement à la TVA et prendre attache avec le service des impôts compétent pour se voir attribuer un numéro d’identification TVA (d’expérience, le délai de réaction du service peut être assez long).

À titre pratique je conseille également de se placer sous le régime normal c’est-à-dire de déposer une déclaration mensuelle CA3 au lieu d’une déclaration annuelle. Cela permet de se tenir régulièrement à jour de ses obligations en termes de facturation de comptabilité et de fiscalité.

Me Dantil, spécialiste des questions de TVA du marché de l'art
Me Ophélie DANTIL Maître Ophélie Dantil sur Linkedin
Avocat associé, droit fiscal et droit du marché de l’art

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65 réponses sur “Créativité et bonne gestion de la fiscalité ne sont pas antinomiques !”

  1. facturation du mécenat ?
    Bonjour,
    Je démarre officiellement mon activité comme indépendante, auteure et illustratrice de mes propres ouvrages (livres, articles, etc.) dans le domaine de l’histoire et de l’histoire de l’art. Je viens de déclarer cette activité avec une franchise de base. La réalisation de mes travaux prend plusieurs mois, voire pour certains se compte en années. Pour vivre, plusieurs personnes me soutiennent financièrement comme mécènes privés, par des (modestes) virements mensuels. J’espère aussi obtenir un financement d’un organisme privé. Comment dois-je déclarer ces revenus ? Dois-je émettre des factures mensuelles pour mes mécènes ?

    1. Chère Estelle,
      Vous devez en effet facturer toutes les recettes perçues car vos « mécènes » qui vous soutiennent financièrement ne peuvent être assimilés à des mécènes qui « soutiennent une oeuvre d’intérêt général ». Il faut donc faire une facture à titre d’acompte ou d’arrhes car ils doivent en contrepartie de leur financement recevoir un produit lorsque celui-ci sera terminé. J’attire votre attention sur le fait que vous ne pouvez facturer que si il y a une vente ou un produit attendu en retour, sinon ce serait une libéralité avec pour vous le paiement de droits d’enregistrement au taux de 60 %.

  2. Question seuil franchise
    Bonjour, est-ce possible de rester en franchise en base en cumulant activité artistique + accessoires.
    Donc en ayant un chiffre d’affaires de 62 800€ (44 500€ + 18 500€).
    Ou est-ce que juste le fait de dépasser 44500 nous oblige a passer en TVA ?
    Merci.

  3. TVA dans le cadre d'une SAS, oeuvres numériques
    Bonjour Maître.

    Je me permets de vous poser une question car mon cas semble un peu particulier et je ne trouve pas la réponse.

    J’ai créé une société (SASU) et je compte vendre des oeuvres numériques sous forme de tableaux que je réalise moi-même (activité artistique).

    J’aimerais savoir quel taux de TVA indiquer sur une facture de vente pour un particulier ou pour une galerie (si différent).
    1- pour une oeuvre d’art numérique « imprimée » et encadrée (tirage argentique comme pour les photos d’art dans les galeries en série limitée, signée, numérotée)
    2- pour une oeuvre d’art numérique vendue sous forme numérique (fichier)

    Pour le cas 1, la notion d' »oeuvre d’art » (pour bénéficier de 5.5%) dans le bofip semble en contradiction : « fait à la main » alors que les photographies (qui ne sont pas « faites à la main ») en font partie.
    De plus, mes oeuvres d’arts numérique comprennent à la source des images de mes peintures (faites à la main) et de mes photos, donc je ne comprends rien au sens de la loi.

    Et pour le cas 2, là je suppose que la loi dit que c’est une TVA à 20% car non « oeuvre d’art » même si c’est pourtant le format vendu chez Christie’s et dans les galeries high-tec… Donc là encore, la logique m’échappe. J’ai l’impression que le législateur est resté figé à l’époque pré-Marcel Duchamp…

    D’avance merci pour tout éclaircissement.

    1. Cher Monsieur,
      Il n’est pas certain qu’une SASU puisse bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 % qui s’applique aux seuls artistes et à leurs ayants droit (héritiers). A priori dans votre situation j’aurais tendance à appliquer le taux de TVA à 20 % aux cessions faites par la SASU.
      Ensuite, la TVA est un impôt communautaire, et le taux réduit sur les œuvres d’art et biens de collection une exception qui nécessite l’unanimité de tous les Etats membres pour modifier les conditions du bénéfice du taux réduit. Le texte date un peu en effet, il existe différentes solutions pour obtenir une clarification de l’administration fiscale sur votre situation et je suis à votre disposition pour échanger techniquement sur le sujet.
      Bien sincèrement

  4. Bascule régime TVA (artiste indépendant)
    Bonjour, et merci pour vos articles précis et instructifs!
    Dans mon cas de figure, je pense dépasser le seuil de franchise de TVA dans le courant de l’année (statut d’artiste indépendant, régime micro-BNC).
    Si je comprends bien, en restant dans la fourchette de CA comprise entre 44 500€ et 54 700€, le passage au régime de TVA se fera automatiquement en 2022.
    – Faudra t’il dès lors que je récupère la TVA auprès de mes clients de 2021, ou est-ce que je commencerait à collecter la TVA à partir de janvier 2022?
    – Si je dépasse le seuil de 54 700€ cette année, est-il préférable de prendre les devants et demander aux impôts de passer au régime TVA (de ce que j’ai compris de vos précisions dans les commentaires, mieux vaut opter pour un régime mini-réel de TVA, moins contraignant en terme de formalités fiscales)?
    Merci d’avance pour votre retour,
    Cordialement

    1. Cher Monsieur,
      Si vous dépassez le deuxième seuil – 54 700 € en cours d’année, la TVA est due dès le premier jour du dépassement du seuil. En effet, il faut anticiper. Même si vous êtes encore sous le régime de la franchise vous pouvez opter pour l’assujettissement à la TVA. Vous vous adressez au service des impôts dont vous dépendez pour leur demander un numéro à la TVA. Cela peut prendre un peu de temps. Dès lors que vous devenez assujetti à la TVA vous déduisez la TVA sur vos dépenses professionnelles. Personnellement je préfère la déclaration mensuelle – c’est un avis purement personnel qui n’engage que moi – car cela permet une régularité dans la facturation, la collecte et la déductibilité.
      Bien sincèrement

  5. Bonjour, j’ai signé un contrat avec une galerie d’art pour vendre mes toiles, il est convenu que la galerie prenne 33 % du prix HT des oeuvres et donc moi les 67 % restant. Il m’ont vendu 3 toiles et m’on demandé de leur faire une facture du montant 67 % du prix HT des trois toiles sans la TVA, est-ce normal ? De plus suite à un dégâts des eaux, je dois leur verser les 33% du prix HT des toiles abîmées plus 20 % de TVA. J’aimerais savoir si tout cela est normal étant un peu perdu avec la fiscalité. En vous remerciant par avance pour votre aide. Bien cordialement. B.V

    1. Cher Monsieur,
      Je ne peux répondre efficacement à votre question car il me manque des informations : êtes-vous assujetti à la TVA ? Qui a abimé les toiles ?
      Bien sincèrement.

  6. Artiste-auteure et TVA
    Bonjour,
    Merci pour votre article. Je débute en tant qu’artiste-auteure et j’avoue être complétement perdue. Jusqu’ici mes factures d’infographie comprenaient une TVA de 20% car c’était ce que j’avais compris comme étant normal. Une entreprise m’a demandé mon numéro de TVA intracommunautaire ce qui m’a fait réaliser que je n’en avais pas et que j’avais donc sans doute tort de facturer la TVA ? Je suis clairement en dessous de ce seuil de CA que vous mentionnez. Je ne sais pas quoi faire maintenant.

    1. Chère Madame,
      En effet, si vous avez appliqué de la TVA au taux de 20% alors que vous n’êtes pas assujettie car en dessous des seuils il y a une erreur.
      Pour le futur vous devez éditer des factures avec la mention « non assujetti à la TVA article 293 B du CGI ».
      Pour le passé, et si vous n’avez pas reversé la TVA au trésor public, il conviendrait de faire des factures d’avoir aux clients pour lesquels vous avez facturé de la TVA que vous n’auriez pas dû facturer. Si vous avez collecté au profit du trésor public cette TVA indument collectée, il faudrait solliciter la régularisation. Je reste à votre disposition.

  7. Vente de tableaux, TVA
    Bonjour,

    En tant qu’artiste amateur, j’aimerais un jour vendre mes peintures. Je connais déjà toutes les démarches pour se déclarer en tant qu’artiste peintre (envoyer le formulaire de déclaration de début d’activité à l’urssaff Limousin pour l’obtention d’un numéro SIRET et ensuite affiliation automatique à la MDA sans avoir à leur envoyer une copie de la 1ère facture alors, qu’avant il fallait le faire pour obtenir un numéro d’ordre mais, cela a été supprimé dés Janvier 2019 et à la place il faut indiquer le code APE 9003 A sur les factures ).

    En ce qui concerne la franchise de TVA, est-elle automatique si le CA ne dépasse pas le seuil de 42000 euros pour la première année d’activité d’un artiste peintre ? ou alors c’est nous même qui choisissons cette option lors de la déclaration de début d’activité ?

    Ne sachant pas d’avance ce que cela peut donner, j’opterais d’abord pour le régime spécial en BNC (c’est à dire déclarer uniquement le CA de l’année aux impôts mais, pas les dépenses de matériels mais, il est conseiller tout de même conserver les factures d’achats en cas ou) !

    Cordialement !

    S.RIGGIO

    1. Le seuil de 42 000 euros spécifique aux artistes est moins avantageux que celui applicable au régime général des ventes de bien qui est plus élevé soit 85 800 € ou 94 300 € à ce jour ! Bien sincèrement

  8. Problème taux de TVA
    Bonjour et merci pour votre article clair et interessant. J’avais une question si possible :
    Je suis artiste auteur à la MDA depuis 20 ans
    – Depuis quand la tva est-elle de 5,5% pour la vente d’une œuvre originale et de 10 % pour la cession de droits d’auteur ? Est-ce récent? j’ai toujours facturé pour tout 20% de TVA, sans distinction.
    Je réalise que c’est une erreur et je suis bien ennuyée car c’est bien involontaire.
    Il faut mieux que l’erreur soit dans ce sens. Trop collecter de TVA que pas assez j’imagine.
    Merci pour votre avis.

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